28/04/2019 – 16h00 Montpellier (Lengadoc Info) – Les médias vantent sans cesse la loi de 1905. Mais qui se souvient qu’elle mena la France au bord de la guerre civile ? Que fut cette loi et dans quel contexte intervint-elle ? Lengadoc Info vous présente ce long sujet, tant sur le plan national que local, en plusieurs volets.
Nous allons, dans cet article, quitter notre région. C’est inhabituel, mais nécessaire pour comprendre dans quel contexte se passèrent les Inventaires des Églises de Montpellier.
- La loi de Séparation des Églises et de l’état du 9 décembre 1905
Cette loi, d’inspiration presbytérienne, fut acceptée par les Églises protestantes et les représentants du culte israélite. Certains Catholiques la jugèrent moins mauvaise que l’on pouvait le craindre (le Pèlerin), voire favorable. Mais instruits par les précédents de 1880, 1902 et 1904, Monseigneur de Cabrières fut l’un des porte-parole de ceux qui la trouvaient inacceptable.
Illustration : Aristide Briand défendant le projet de loi à la Chambre des députés (couverture de la Vie illustrée du 7 avril 1905). Désigné président du conseil le 24 janvier 1905, Maurice Rouvier laissa Aristide Briand, rapporteur de la commission Buisson, présenter la loi de séparation à la chambre. Les débats furent houleux. La gauche lui reprocha d’avoir trop cédé aux Catholiques afin de rendre la loi « acceptable » pour eux. Effectivement, il sembla faire beaucoup de concessions, notamment sur les articles 1, 4 et 6. Mais ce n’était que des concessions de façade et des déclarations d’intentions. Sous des formulations rassurantes, le texte définitif, adopté le 9 décembre 1905, contenait beaucoup d’ambiguïtés. Les députés de l’Hérault et des Pyrénées Orientales votèrent la loi à l’unanimité, 6 pour 1 contre dans le Gard, 5 pour 1 contre dans l’Aude. Les contres furent majoritaires en Lozère.
- Les ambiguïtés de la loi de 1905
Si la loi garantissait la liberté de conscience et le libre exercice des cultes (article-1), elle assimilait les messes, (le culte pour les Protestants), à des réunions publiques soumises à autorisation préalable des Préfets (loi de 1881). Même s’il fut proposé des autorisations annuelles, cela ouvrait la possibilité d’une mise sous tutelle administrative.
L’article 2 supprimait le traitement des ministres des cultes. Il ne s’agissait que d’une compensation des saisies révolutionnaires. Donc ce qui avait été saisi aurait dû être restitué. Au contraire, l’État inventorierait et saisirait sans compensation tous les biens meubles et immeubles de l’Église. Il garderait ceux qu’il jugerait unilatéralement non nécessaire au culte (article-3), notamment les hôpitaux, les écoles, les œuvres charitables… (article-7).
Les biens jugés nécessaires au culte seraient, selon l’article-4, confiés sous 2 ans à des associations cultuelles. Repris du projet d’Émile Combe, ce texte fut corrigé en précisant que ces associations se conformeraient aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice. Mais cette formulation rassurante ne modifiait en rien l’assujettissement de ces associations à l’État. En effet, selon l’article-14, elles assumeraient les charges financières des biens qui leurs seraient confiées, sauf les grosses réparations (charpente, toiture, murs, sol…). Mais une interprétation restrictive pouvait fortement en limiter la portée. Bénéficiant d’avantages fiscaux (article-13), ces associations auraient des compétences restreintes et surtout seraient agréées pour 5 ans. Le renouvellement de cette fiscalité avantageuse et de l’agrément donnerait d’importants moyens de pression au pouvoir politique. Les évêques n’auraient plus qu’une autorité de principe. En outre les conflits ne seraient pas jugés par des tribunaux civils mais par le Conseil d’État (article-6, aujourd’hui 8) très politisé.
- La condamnation
Aucune conciliation ne permit de lever ses ambiguïtés. Accepter la loi revenait à parier sur la bonne volonté des gouvernements successifs. Et bien loin des déclarations rassurantes d’Aristide Briand, les premiers décrets d’application étaient très restrictifs. Aussi, le 11 février 1906, le saint Pape Pie X condamna la loi et interdit aux Catholique de créer des associations cultuelles.
Illustration : Saint Pie X condamna ferment la loi de 1905 en publiant la lettre encyclique Vehementer nos : «… la loi de séparation attribue l’administration et la tutelle du culte public, non pas au corps hiérarchique divinement institué par le Sauveur, mais à une association de personnes laïques. […] Et si la loi prescrit que les associations cultuelles doivent être constituées conformément aux règles d’organisation générale du culte, dont elles se proposent d’assurer l’exercice, d’autre part, on a bien soin de déclarer que, dans tous les différends qui pourront naître relativement à leurs biens, seul le Conseil d’État sera compétent. Ces associations cultuelles elles-mêmes seront donc, vis-à-vis de l’autorité civile dans une dépendance telle, que l’autorité ecclésiastique, et c’est manifeste, n’aura plus sur elles aucun pouvoir. »
Il
promulgua le 10 août 1906 l’encyclique Gravissimo
officii munere :
«…
les
fabricateurs de cette loi injuste ont voulu en faire une loi, non de
séparation, mais d’oppression. Ainsi ils affirmaient leur désir
de paix, ils promettaient l’entente, et ils font à la religion du
pays une guerre atroce, ils jettent le brandon des discordes les plus
violentes et poussent ainsi les citoyens les uns contre les autres,
au grand détriment, comme chacun le voit, de la chose publique
elle-même.
Sûrement,
ils s’ingénieront à rejeter sur Nous la faute de ce conflit et
des maux qui en seront la conséquence. »
Mais le sujet principal était la condamnation
des associations cultuelles : « C’est
pourquoi, relativement aux associations cultuelles, telles que la loi
les impose, Nous décrétons qu’elles ne peuvent absolument pas
être formées sans violer les droits sacrés qui tiennent à la vie
elle-même de l’Église.
C’est
pourquoi, relativement aux associations cultuelles, telles que la loi
les impose, Nous décrétons qu’elles ne peuvent absolument pas
être formées sans violer les droits sacrés qui tiennent à la vie
elle-même de l’Église. »
Puis le 6 janvier 1907, il publia l’encyclique « Une fois encore » condamnant les spoliations et les expulsions. « Ce n’est plus seulement la foi chrétienne qu’on veut à tout prix déraciner du milieu des cœurs, c’est encore toute croyance qui, élevant l’homme au-dessus des horizons de ce monde, reporte surnaturellement son regard lassé vers le ciel. L’illusion, en effet, n’est plus possible. On a déclaré la guerre à tout ce qui est surnaturel, parce que derrière le surnaturel, Dieu se trouve et que ce que l’on veut rayer du cœur et de l’esprit de l’homme, c’est Dieu. » Le Pape y abordait aussi la question des autorisations préfectorales nécessaires pour dire des messes conformément à la loi de 1881 : Quant à la déclaration annuelle exigée pour l’exercice du culte, elle n’offrait pas toute la sécurité légale qu’on était en droit de désirer. Néanmoins, bien qu’en principe, les réunions des fidèles dans les églises n’aient aucun des éléments constitutifs propres aux réunions publiques et, qu’en fait, il soit odieux de vouloir les leur assimiler, pour éviter de plus grands maux l’Église aurait pu être amenée à tolérer cette déclaration. Mais en statuant que « le curé ou le desservant ne serait plus » dans son église « qu’un occupant sans titre juridique ; qu’il serait sans droit pour faire aucun acte d’administration » on a imposé aux ministres du culte, dans l’exercice même de leur ministère, une situation tellement humiliée et vague que, dans de pareilles conditions, la déclaration ne pouvait plus être acceptée »
Nous reviendrons à Montpellier pour le prochain volet, afin de suivre pas à pas les inventaires des églises.
Théodore Mnémosyne
Retrouvez les précédents articles de cette série historique :
Les lois anticléricales de 1905 – le contexte historique
Les lois anticléricales de 1905 – l’expulsion des religieux « hors-la-loi »
Les lois anticléricales de 1905 – De nouvelles menaces
Les lois anticléricales de 1905 – L’attaque en règle
Les lois anticléricales de 1905 – Vers la loi de 1905
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