30/04/2021 – 10h00 Montpellier (Lengadoc Info) – Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, vient de présenter en Conseil des ministres un texte renforçant des mesures expérimentées dans le cadre de la lutte antiterroriste. En tête des mesures posant le plus de contraintes vis-à-vis des libertés fondamentales, un algorithme de surveillance censé détecter les comportements à risque.
Un pas de plus vers un nouveau projet de loi
Gérald Darmanin présente un projet de loi qui entérine et renforce des mesures déjà expérimentées en matière de renseignement et d’antiterrorisme. Le tout à un an de l’élection présidentielle, et alors qu’Emmanuel Macron a fait de la sécurité des Français l’une de ses priorités. Constitué de 19 articles, il vise principalement à conférer « un caractère permanent » aux mesures expérimentées dans le cadre de la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt), votée en octobre 2017 pour sortir de l’état d’urgence en vigueur après les attentats de 2015, a expliqué le ministère de l’Intérieur à l’AFP.
Un nouveau système de surveillance des masses
Tout d’abord, les « visites domiciliaires », nouvelle dénomination de ce qui était autrefois appelé « perquisitions administratives », permettent aux services de police de pénétrer dans le logement d’une personne soupçonnée de présenter une menace terroriste. Cette menace doit être d’une « particulière gravité », selon les termes de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme d’octobre 2017. Ensuite, un outil de détection préventif est mis en place, appelé « la surveillance par algorithme ».
Un expert en cybersécurité, Grégory Cardiet, affirme que cet algorithme peut aider à détecter en amont des comportements inquiétants et qu’« aujourd’hui si vous êtes sur Facebook votre comportement est parfaitement compris. On est capable de qualifier votre QI, vos intérêts, l’objectif aujourd’hui est le fait d’apporter la même compréhension de personnes qui ont envie d’attaquer un gouvernement ». Les profils repérés par cet algorithme sont ensuite signalés aux services de renseignement pour une investigation plus poussée. La technique devra désormais obtenir le feu vert du législateur notamment concernant le respect de la vie privée. Mais tous les policiers le reconnaissent, la lutte contre le terrorisme passe sans doute plus que jamais par l’intelligence artificielle.
Un projet aux failles évidentes
Ce projet est notamment défendu par Laurent Nuñez, ancien secrétaire d’Etat, aujourd’hui coordonnateur national des services de renseignement et de la lutte contre le terrorisme. Il estime que c’est « un outil d’avenir qui est complètement adapté à la menace », « expérimenté depuis 2017 au travers de trois algorithmes et qui nous a permis de détecter les auteurs de menaces avec un bien meilleur suivi d’individus qui sont connus des services, des cellules qui se constituent ».
Laurent Nuñez a également tenté de rassurer sur le respect des libertés publiques, ajoutant que les conditions d’utilisation seront « très sécurisées, les services de renseignement n’auront pas d’accès direct aux données. Il faut qu’on trouve un équilibre dans notre pays entre la protection des citoyens et nos libertés individuelles ».
Pourquoi un tel système ?
Comme bien souvent, le problème reste l’humain. A l’époque député de l’Hérault, Christian Assaf (PS) avait affirmé en 2015 « on estime qu’il y a aujourd’hui, en phase de radicalisation ou déjà radicalisés, environ 3000 personnes. La surveillance de 3000 individus 24h sur 24 est impossible ». Il avait ajouté : « il faut arriver à convaincre une partie de l’opinion publique ainsi que les députés de la droite la plus forte qu’il faut arrêter avec les idées préconçues, les amalgames du type : la radicalisation s’opère dans les mosquées. Plus de 90% des phénomènes de radicalisation, qu’ils soient organisés ou individuels, s’opèrent sur Internet ».
Aujourd’hui, Laurent Nuñez nous dit « On a un peu moins de 500 personnes qui purgent actuellement leur peine pour des faits liés au terrorisme », une centaine est sortie de prison en 2020 et on en attend environ 60 en 2021. Le projet de loi propose de porter à deux ans la durée maximale des mesures de surveillance pour les personnes condamnées pour terrorisme à une peine d’au moins cinq ans ferme ou trois ans en récidive. Cette disposition vient répondre à la censure en août 2020 par le Conseil constitutionnel d’une proposition de loi LaREM visant à instaurer des « mesures de sûreté » pour ces détenus terroristes à l’issue de leur peine.
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