20/04/2017 – 19h30 Montpellier (Lengadoc Info) – Tribune libre – C’est le clivage droite/gauche qui a longtemps structuré le champ politique au sein de nos démocraties. Ce sont d’autres structurations qui fondent les nouvelles différenciations : Europhiles/Europhobes, Libéralisme/Autoritarisme, Ouverture/Fermeture etc. Ce nouveau clivage pose la question : a quel camp appartenez-vous ?
Les nôtres et les autres : les gens de chez nous face aux gens de n’importe où !
Les Gens de n’importe où sont bien dotés en capital culturel et en diplômes donnant accès aux emplois côtés sur le marché du travail. Disposant de réseaux relationnels acquis dans quelque Grande Ecole Française, ou dans une prestigieuse Université Anglo-saxonne, ils disposent d’une « identité portative ». C’est dire qu’ils sont à leur aise partout dans le monde. Ils valorisent la réussite professionnelle et l’auto-réalisation.
Ils sont favorables à la mondialisation et leur valeur préférée est l’ouverture. Optimistes, curieux d’autrui et tolérants par principe, ils sont spontanément multiculturalistes.
Les Gens de chez nous sont plus enracinés. Leurs membres sont rarement passés par l’enseignement supérieur. Ils sont assignés à une « identité prescrite ». La mondialisation, pour eux, cela signifie que les usines s’en vont et que les immigrés arrivent. La dignité qui s’attachait à la condition ouvrière est perdue. L’économie du savoir et les emplois qualifiés, que promettait l’Agenda de Lisbonne, ce n’était pas pour eux. Ils se considèrent comme les laissés-pour-compte de l’intégration européenne.
Il y a de fortes chances qu’ils habitent une petite ville proche du domicile de leurs parents. Car ils ont le sens de la communauté et de la famille. Ils sont culturellement conservateurs.
L’obsolescence du clivage socio-économique
Il nous faut comprendre en profondeur les causes idéologiques et sociologiques du Brexit et de l’élection de Donald Trump. Ces votes protestataires constituent la revanche « du Peuple de chez nous » qui est furieux de n’avoir jamais eu réellement voix au chapitre.
En effet, ce sont les Gens de n’importe où qui dominent la vie politique, les médias et l’Université. Ayant progressivement conquis l’hégémonie culturelle, ils ont imposé une idéologie qui sert leurs intérêts. C’est ce que nous pouvons qualifier de « double libéralisme ». Un libéralisme culturel, en provenance des Campus américains au début des années 1960, a ébranlé toutes les structures d’autorité. Et un libéralisme économique, imposé dans les années 1980 et plus précisément, à partir du Consensus de Washington, qui pose la prééminence accordée aux marchés sur les régulations étatiques.
Progressivement, tout ce qui contestait ce double libéralisme a été chassé de la scène politique.
Le sentiment de dépossession fragilise les populations
Dans un premier temps, le centre-gauche politique ne s’est que trop bien adapté à cette double révolution. Les Gouvernements Européens ont longtemps présentés la mondialisation et l’immigration de masse comme des phénomènes quasi-naturels, face auxquels il n’y avait d’autre issue que de s’adapter.
Mais aujourd’hui, les partis socio-démocrates sont dans la nasse. Car leurs électeurs appartenaient autrefois au Peuple de chez nous. Et celui-ci estime qu’il a beaucoup perdu à ces changements, rapides et radicaux. Les Britanniques ont récemment approuvés à 62 % l’opinion : « le pays a tellement changé dans les dernières années qu’il est devenu méconnaissable et cela provoque en moi un malaise ».
François de MAISTRE
Photos : Institut Iliade
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