12/10/2016 – 19h00 Syrie (Lengadoc Info) – Point de situation numéro 14 – Alors que les grandes puissances cherchent une solution pour ramener la Paix en Syrie lors du Conseil de Sécurité de l’ONU, l’avantage militaire revient principalement à l’Armée Arabe Syrienne et ses alliés.
Déluge de feu sur Alep Est
L’opinion internationale s’est indignée de la campagne de bombardement russe sur les quartiers Est de la ville d’Alep en exigeant une zone d’exclusion aérienne sur le territoire syrien. Proposition qui restera du domaine de la pure virtualité puisque c’est le soutien aérien qui permet l’avancée des troupes au sol. Un peu comme si le gouvernement de Bachar El Assad demandait aux rebelles jihadistes d’arrêter l’utilisation d’attentats suicide… L’armée russe a tout de même pris acte de l’émoi suscité par cette campagne et a annoncé qu’elle allait diminuer l’intensité de ses frappes. Les Etats Unis ont menacé de cesser toute relation diplomatique avec la Russie, avec les conséquences désastreuses que cela entrainerait.
Pourquoi cet émoi au sujet des bombardements? Tout simplement parceque les combattants jihadistes utilisent les civils comme bouclier humain qui deviennent prisonniers des quartiers dits « rebelles ». Les habitants qui souhaiteraient quitter ces quartiers sont froidement exécutés par les jihadistes. L’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie M. de Mistura, garant de la voie diplomatique sur la situation en Syrie, a avancé une solution qui permettrait d’arrêter les victimes civiles dans les quartiers Est d’Alep. Son plan consistait en l’organisation de l’évacuation d’une partie des 6 à 8000 combattants jihadistes de ces quartiers dans le gouvernorat d’Idlib, solution mise en place à plusieurs reprises avec succès par le gouvernement de Bachar El-Assad.
Avancées loyalistes à Alep Est
Il existe trois axes d’efforts sur la zone contrôlée par les jihadistes. L’un se situe au sud à proximité de l’école d’artillerie et du quartier Ramousseh. Les troupes du Hezbollah et des combattants chiites irakiens se sont emparés d’une colline importante pour la capture complète du quartier Sheik Saeed. Le second axe, part du centre ville en bordure du quartier kurde de Sheik Maqsoud en direction Nord/Nord Est. Le dernier effort se situe au Nord et a connu d’importants succès. Le camp de réfugiés Handarat a été repris et a entraîné la capture de l’hôpital Kindi aux mains des jihadistes depuis décembre 2013.
La position dominante de cet hôpital a permis aux troupes loyalistes de capturer la zone industrielle d’Al-Shokaief ainsi que le quartier voisin d’Owaija. C’est donc toute la zone Nord qui est en passe d’être libérée. Le quartier kurde de Sheik Maqsoud n’aura bientôt plus de frontière commune avec les rebelles jihadistes. L’accord tacite de non-agression entre les forces loyalistes et les kurdes est toujours en vigueur. Si l’on considère le « problème kurde » en Syrie, cette entente revêt un caractère d’importance puisqu’il permet à Bachar El-Assad de conserver les kurdes de son coté malgré les menaces de séparatisme de cette minorité en Syrie.
#SAA attacks don’t allow the rebels to concentrate their defense. A matter of time before rebels lose #Aleppo pic.twitter.com/QHCtabklA0
— Warfare Worldwide (@WarfareWW) 7 octobre 2016
Contre-attaque loyaliste au nord d’Hama
La contre-attaque loyaliste au nord d’Hama a eu du mal à s’initier alors que les rebelles jihadistes avaient dernièrement conquis de larges portions de territoire dans ce secteur en délaissant la ville d’Alep. Une intense campagne de bombardement par l’aviation russe et syrienne ayant permis d’affaiblir les défenses jihadistes, c’est au tour des troupes terrestres d’effectuer leur avancée. Quatorze villages ont été libérés en 72h et l’offensive est toujours en cours. Un élément important que nous avions déjà évoqué est à relever dans ce secteur. Une guerre larvée entre factions rebelles était à l’œuvre depuis longtemps et vient brutalement d’augmenter d’intensité. La brouille intervient entre les groupes Ahrar Al-Sham, salafistes et Jund Al-Aqsa, salafistes adeptes du takfirisme (exécution des apostats supposés). Concurrence, donc entre groupes salafistes réunis dans la lutte contre le gouvernement de Bachar El-Assad mais divisés quant à leurs objectifs et la méthode pour y parvenir. Ahrar Al-Sham, coalition de divers groupes islamistes, accuse Jund Al-Aqsa de soutenir les actions des combattants de l’Etat Islamique. La situation tendue vient de dégénérer en affrontement armé et une douzaine de hauts responsables ont été assassinés. Nous ne sommes pas en mesure de prévoir le vainqueur de cette guerre intestine mais il est certain que l’Armée Arabe Syrienne tire profit des divisions entre jihadistes.
Le front Turc
Alors que les premières avancées en territoire syrien se déroulaient de manière plutôt aisée, l’Etat Islamique a tôt fait de se ressaisir et de perturber l’avancée des islamistes soutenues par les troupes turques. La profondeur de la zone libérée est d’une dizaine de kilomètres pour une centaine de kilomètres de longueur entre les deux territoires aux mains des kurdes. Une importante poche de résistance aux couleurs de Daech est en passe d’être réduite. Une fois fait, il sera intéressant d’observer l’attitude qu’adoptera l’armée turque dans le secteur. Les troupes de l’Etat Islamique semblent effectuer une retraite de façon à renforcer leur bastion d’Al-Bab objectif militaire pour toutes les forces en présence dans le secteur. La possession de cette ville revêt en effet une importance vitale pour toutes les parties. Daech joue sa survie dans le nord de la Syrie, Bachar El-Assad, bien que mobilisé sur Alep, est le plus près de la ville; les kurdes veulent effectuer la jonction entre leurs territoires de l’Est et de l’Ouest, et les turcs veulent à tout pris empêcher que cela n’arrive… Une situation complexe dont le déroulement ne manquera pas de surprendre tout le monde. Une constante dans ce conflit…
Martial Roudier
Photos : DR
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