Engagé sur le front en Irak ( Kurdistan), un volontaire français témoigne [ interview]

23/12/2015 – 19h00 Irak (Lengadoc Info) – Qalubna Ma’Kum est une brigade de volontaires (américains, français…) située en Irak, au Kurdistan plus précisément, et qui combat les islamistes de Daesh et d’Al Nosra. Guillaume est arrivé très récemment au sein de cette brigade. Ce jeune français n’est pas un inconnu pour nos lecteurs : nous l’avions interrogé sur un autre front , dans le Donbass cette fois-ci, il y a quelques mois, alors qu’il s’était engagé avec les séparatistes.

Après avoir quitté l’Est de l’Europe et après avoir fait une pause, le temps notamment d’écrire le récit de ses aventures qui devraient paraitre dans l’année 2016, le voilà reparti en guerre, cette fois-ci contre les islamistes, aux côtés des Kurdes. Nous l’avons interrogé sur ses motivations et sur la situation sur place.

Après le Donbass, vous voici désormais en Irak. Pour quelles raisons ?

Guillaume : Je voulais combattre les wahhabites et les takfiris. Quand j’ai commencé à y penser sérieusement, en 2012, c’était  le Front Al-Nusra en Syrie. Daesh (nommé ISIL à cette époque) a commencé son ascension en Irak, et même si c’est en Syrie que ce groupe est devenu célèbre, c’est en Irak que demeure son assise réelle et son origine.

En 2014, j’étais au Donbass, j’y ai acquis des compétences et une expérience que je n’avais pas envie d’oublier, mais plutôt d’utiliser à bon escient. La guerre s’est quasiment terminée au Donbass, du moins au niveau du fantassin, ce que je suis.

On ne nous y laissait plus « travailler » ni aider sans nous mettre des bâtons dans les roues (ce que j’explique assez longuement dans mon livre à paraître, sur cette petite aventure).

Le travail, le terrain, la camaraderie me manquaient pourtant, je ne pouvais pas me résoudre à me « poser » tout de suite, donc j’ai trouvé une autre zone de travail. De plus, j’ai toujours eu envie d’aller en Irak, un très beau pays qui hérite  d’une longue histoire.

Quelle est la situation sur place ?

Guillaume : Je ne suis arrivé que très récemment, dans une seule zone, je ne peux donc pas prétendre à avoir une vue d’ensemble. Nous sommes dans un secteur partagé, sous contrôle Peshmergha (les troupes régulière du Kurdistan irakien) mais dans lequel une partie de la population est chiite et défendue par ses propres milices. Il y a parfois des frictions et des heurts entre chiites et les peshmerghas.

Les peshmerghas se concentrent sur le renforcement de leur ligne de fortification. Cette ligne est ce qu’ils veulent  la frontière permanente de territoire « final ». Le front est relativement calme et stable, les positions de Daesh sont à trois kilomètres des nôtres. Les types de Daesh profitent du mauvais temps (brouillard, pluie) pour attaquer, comme le soir de notre arrivée.

Quelles unités avez-vous rejointes finalement ? Comment s’organise la vie là bas?

Guillaume :  Nous avons rejoint les peshmerghas parcequ’ils sont les seuls, à ma connaissance, à accepter des volontaires occidentaux (mis à part Daesh !). Un autre groupe de volontaires, des Français, se trouve dans la même brigade. Arrivés avant nous, ils ont déjà accompli beaucoup de choses et nous ont aidé à nous installer.

Nous manquons de matériel, que nous devons acquérir nous-même. Il faut récupérer, acheter, bricoler, comme au Donbass. C’est un travail important, ne serait-ce que pour la vie quotidienne, mais au moins, ici, on nous encourage à  améliorer la situation, on ne nous « bloque » pas trop.

Les Kurdes sont bien plus organisés et logiques que les milices que j’ai pu côtoyer au Donbass: c’est normal, ils font la guerre depuis plus longtemps. Ils sont également habitués à travailler avec des Occidentaux. Alors, les choses avancent bien plus rapidement qu’avec les Russes (mais toujours très différemment que dans une armée occidentale).

Quelles vont être vos missions ? Avez-vous déjà été engagés au combat ?

Guillaume :  Le soir même de notre arrivée, nous avons été déployés à l’improviste sur le front pour combler un vide dans la ligne. Les étrangers de notre brigade sont utilisés comme QRF (Quick Reaction Force = force de réaction rapide), ce qui est un honneur et un poste relativement important, et potentiellement très intéressant.

Mais comme je l’ai dit, nous ne sommes arrivés que depuis trés récemment, d’autres Occidentaux ont commencé bien avant nous et font également, parfois, du travail d’escorte pour les officiers supérieurs. Nous savons que certains, dans la hiérarchie, tentent de garder les étrangers à l’arrière, c’est inévitable et prévisible dans ce genre de conflit. Mais d’autres commandants ont la volonté de nous utiliser dans leurs opérations. Nous espérons nous rendre le plus utile possible, et aller au contact, tôt ou tard.  Nous sommes déjà mieux employés qu’au Donbass.

Le but final de notre groupe (Qalubna Maa’kum) est de créer une antenne médicale armée et mobile pour travailler dans les zones « grises » du front. Les blessés meurent pour la plupart sur le chemin de l’hopital et il faut pouvoir les « stabiliser » avant qu’ils n’y arrivent. Nous comptons aussi travailler au plus prés possible de la population civile et éviter de nous mêler aux conflits sectaristes.

Au final, l’Irak sera sauvé par les Irakiens (qu’ils soient Kurdes, chiites, yézidis, chrétiens ou sunnites) et pas par nous. Nous sommes juste là pour offrir une aide modeste.

Les autorités françaises sont-elles sur votre dos en raison de votre participation à des opérations extérieures ?

Guillaume :  Pour le moment, pas que je sache. Nous ne sommes pas payés, donc on ne peut pas nous considérer comme « mercenaires ». La France est alliée aux Peshmerghas (sur le papier) et nous ne faisons rien d’illégal.

Personnellement, je ne vis plus en France, mais aux Etats-Unis, dont je suis citoyen. Les Américains sont habitués à ce que les leurs aillent combattre dans des conflits lointains, çà ne les choque pas. Tant que nous ne joignons pas d’organisation listée comme terroriste, nous n’avons pas grand chose à craindre. Pour les Français, ça peut être plus compliqué, selon la politique du gouvernement et l’état d’urgence qui a été instauré.

Le gouvernement français n’a pas vraiment besoin de prétexte solide pour s’en prendre à ceux qu’il souhaite éliminer.

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