21/04/2019 – 07h00 Montpellier (Lengadoc Info) – Les médias vantent sans cesse la loi de 1905. Mais qui se souvient qu’elle mena la France au bord de la guerre civile ? Que fut cette loi et dans quel contexte intervint-elle ? Lengadoc Info vous présente ce long sujet, tant sur le plan national que local, en plusieurs volets.
- En parallèle des lois sur les congrégations, les attaques contre clergé diocésain
À Montpellier et à Béziers, l’anarchiste Sébastien Faure résuma publiquement la pensée des anticléricaux : Le maître d’école doit arriver peu à peu à chasser le prêtre de son église qui deviendra la maison du peuple, le temple de la raison. Pour y parvenir, le président du conseil Émile Combes utilisa les lois existantes et le Concordat. Il bloqua les nominations épiscopales (14 évêchés vacants en 1906). Afin de couper le clergé du monde rural, il s’opposa aux sermons en langues régionales. Il ordonna aux évêques de fermer les chapelles d’hospices, d’orphelinat, de pèlerinage, de Confréries… ce que refusa Monseigneur de Cabrières, évêque de Montpellier.
Illustration des troubles provoqués par les militants anticléricaux, ici sur une carte belge.
Dans la cathédrale Saint-Nazaire de Béziers, le 2 avril 1901, des coups de sifflet retentirent dès la fin du sermon. Selon un plan bien établi, un groupe d’homme se leva, entonna des chants blasphématoires avant d’insulter les fidèles. Par respect pour le lieu où ils étaient, ces derniers ne répondirent pas, ce qui évita une bagarre générale, comme cela arriva dans plusieurs autres églises. 15 incidents de ce type se produisirent à Montpellier, 5 à Béziers, mais aussi à Sète, Clermont l’Hérault, Lodève, Bédarieux… Plusieurs cafés étaient des lieux de rendez-vous de militants anticléricaux, comme le Café Planche au Plan Cabanes à Montpellier. Le 17 mars 1901, Planche y fit baptiser civilement son fils : « Un garçon de café déguisé en sorte d’évêque avait procédé ensuite à une parodie burlesque du baptême et oint le bébé de punch » (Le Petit Méridional). Le député Jean-Baptiste Bénézech et deux conseillers municipaux assistaient au spectacle.
Sous l’étroite surveillance de la Sûreté générale de Paris, les fidèles catholiques s’organisèrent. Prêtres et laïcs, comme les avocats Guibal, Chamayou et Vincent, se réunissaient à Montpellier au cercle de la rue Plantade. Les antennes de deux ligues féminines, la « Ligue des Femmes Françaises à Montpellier »
présidée par la marquise de Forton et la « Ligue Patriotique Des Françaises » présidée par Mme Charles Viennet dans le Biterrois, étaient aussi très actives.
- La question de la séparation
Beaucoup d’anticléricaux militaient pour une loi de séparation avec l’Église catholique. Un projet fut présenté en avril 1901, puis en octobre 1902, avril 1903 (le plus ouvertement anticatholique), juin 1903 (initiative de Protestants)… Le 28 octobre 1903, une commission parlementaire présidée par Ferdinand Buisson (inventeur du mot laïcité dans son dictionnaire de 1877), avec Aristide Briand comme rapporteur, se réunit pour établir un texte.
Le bienheureux Pie IX avait condamné cette séparation dans le Syllabus, le 8 décembre 1864. Opposé à la séparation, Monseigneur de Cabrières constatait cependant l’impasse vers laquelle menait l’attitude du ministère. En 1903, il reprit, en les résumant, les propos de Monseigneur Le Camus, évêque de La Rochelle : L’harmonie entre les deux pouvoirs serait préférable si elle était possible ; mais si l’on doit supprimer notre liberté, tout me paraît préférable.
Outre le Concordat de 1801 pour les Catholiques, l’État était lié aux Réformés* (Calvinistes et Zwingliens) et aux Luthériens* par des articles organiques de 1802, et aux Israélites par des décrets de 1808.
* L’union entre Luthériens et Réformés de France ne date que de 2013.
- La fin du Concordat de 1801
Le 30 juillet 1904, Émile Combes provoqua la rupture des relations diplomatiques avec le Saint-Siège, accusé d’avoir unilatéralement convoqué un évêque français. Lors du discours d’Auxerre, le 4 septembre, il annonça la rupture du Concordat. 228 conseils municipaux lui envoyèrent leurs félicitations dans l’Hérault, le record de France, 201 dans le Gard et 134 dans l’Aude respectivement en troisième et cinquième positions. Le cabinet Combes proposa une loi de séparation le 29 octobre, le lendemain de la révélation de l’Affaire des Fiches (cf illustration ci-dessous). Si ce projet contenait des mesures antireligieuses générales, il visait tout particulièrement les Catholiques. Rédigé à la hâte, il provoqua, le 18 janvier 1905, la démission du gouvernement, déjà miné par les affaires et un projet d’impôt sur le revenu.
Cette carte satyrique évoque l’Affaire des fiches qui symbolisa le système de discrimination anticatholique alors en vigueur au sein de l’administration. Peu après sa nomination comme ministre de la guerre le 28 mai 1900, le général André chargea secrètement le Grand Orient de France d’établir des fiches sur la pratique religieuse des officiers et de leur famille afin de bloquer leur avancement. Révélée le 28 octobre 1904, l’existence de ces 25 000 fiches fit scandale. Elles portaient les mentions « VLM » pour « va à la messe », « VLM AL » pour « va à la messe avec un livre », « a assisté à la communion de son fils », mais aussi les expression « clericafard », « clericanaille », « vieille peau fermée à nos idées », « grand avaleur de bon Dieu »… Le député de Béziers Louis Lafferre défendit le système des fiches qu’il qualifia de « plus strict des devoirs ». Mais ce n’était pas la seule « casseroles » que traînait le cabinet Combes. On commençait à s’apercevoir que beaucoup de biens saisis aux congrégations avaient été achetés aux enchères dans des conditions douteuses avant d’être revendus, beaucoup plus chers, quelques mois plus tard. Pour tenter d’étouffer ces affaires il fallait lancer de nouvelles confiscations, qui étaient aussi de nouvelles sources de profits.
Le général André est représenté à gauche. Puis vient Henri Brisson, président de la Chambre des députés en clown. La tenue d’ecclésiastique d’Émile Combes rappelle qu’il fut séminariste. Camille Pelletan, anticlérical acharné, prit des mesures désastreuses comme ministre de la Marine. On en ressentait encore les effets durant de la Première Guerre mondiale. Enfin à droite le ministre de la justice Ernest Vallé. Il était soupçonné d’avoir cherché à couvrir différentes affaires gênantes.
Théodore Mnémosyne
Retrouvez les précédents articles de cette série historique :
Les lois anticléricales de 1905 – le contexte historique
Les lois anticléricales de 1905 – l’expulsion des religieux « hors-la-loi »
Les lois anticléricales de 1905 – De nouvelles menaces
Les lois anticléricales de 1905 – L’attaque en règle
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