08/03/2021 – 20h45 Montpellier (Lengadoc Info) – Journée de la Femme oblige, nous sommes allés à la rencontre d’Audrey Stéphanie, l’« autrice » du récent livre « Les Audacieuses », qui dresse le portrait d’un panel de femmes héroïques de notre Histoire. Un ouvrage à mettre entre toutes les mains de nos jeunes générations.
Lengadoc Info : Audrey Stéphanie bonjour, vous venez de publier un livre intitulé « Les Audacieuses » qui trace le portrait d’une vingtaine de femmes héroïques de l’histoire européenne à destination des « jeunes filles d’aujourd’hui ». D’où vous est venue cette idée ?
Audrey Stéphanie : J’ai toujours eu une fascination pour l’héroïsme et ceux de nos ancêtres qui se sont illustrés pour leurs hauts-faits ou leurs vertus… tout en regrettant que leurs destins soient si peu connus de tous. Et si cet héroïsme semble passé de mode, il reste un idéal chez les plus jeunes qui ont besoin de grandes figures auxquelles s’identifier et s’inspirer. Mais qu’il soit le fait d’hommes ou de femmes, je vous l’avoue, m’importait peu.
C’est la récente vague de féminisme victimaire et mensonger qui m’a poussé à vouloir remémorer ces grandes Dames qui ont atteint les sommets qu’on leur connait, et à populariser certaines d’entre elles, injustement moins célèbres. Leurs épopées sont tout à fait passionnantes et nous apparaissent aujourd’hui incroyables car nous baignons dans une vision de l’Histoire imposée pas les progressistes : avant, c’était la soumission, l’incapacité et la maltraitance puis, petit à petit, le jour se serait levé sur le monde et sur les femmes en particulier. Ce sont, bien entendu, des balivernes, et nos ancêtres du beau sexe étaient loin d’être une minorité oppressée, bien au contraire, voyez ces reines, ces régentes, ces pirates, savantes, artistes, combattantes, ces révolutionnaires, ce qu’elles ont fait, ce qu’elles ont pu faire !
Lengadoc Info : D’Hypatie la philosophe grecque à Catherine II la tsarine allemande, vos héroïnes sont issues du plus profond de la mémoire de peuples pourtant bien différents et sur une période qui survole plus de 2000 ans. Cette filiation est-elle une réalité pour vous?
Audrey Stéphanie : Je n’utiliserais pas le terme de filiation, car, encore une fois, l’histoire de la liberté et du pouvoir des femmes n’est ni rectiligne, ni croissante. Il y eu des périodes plus ou moins favorables (et beaucoup plus de périodes favorables que défavorables), au sein de peuples où la place et le rôle de la femme variaient beaucoup. On pense trop souvent que plus on se rapproche de la modernité et plus les femmes étaient libres. C’est tout à fait faux. La vie des femmes étrusques – personnalisée par Tanaquil dans l’ouvrage – est particulièrement édifiante à cet égard.
Plus qu’une filiation, j’y vois une véritable communion d’esprit, une sensibilité commune : sous des différences culturelles évidentes, un même esprit anime l’«être femme » en Europe, et cela n’a pas la même signification pour les Chinoises ou les Amérindiennes… C’est là mon propos.
Lengadoc Info : Votre livre est parsemé de magnifiques portraits de l’illustratrice Aude Benoit. Comment s’est déroulée cette collaboration?
Audrey Stéphanie : De la meilleure des façons ! Une fois mes « recommandations » historiques reçues (mode de l’époque, physique ou objets personnels de l’héroïne, etc), Aude laissait libre cours à son inspiration et à son talent, qui est immense…
Certaines illustrations nous ont mises d’accord sans même que nous nous concertions. Par exemple, Catherine la Grande a été représentée avec un kokochnik, la coiffe traditionnelle russe. Pour une femme qui avait autant à cœur la culture russe, on ne pouvait faire mieux, j’allais le lui demander mais Aude m’avait devancée.
Quant à Jeanne d’Arc, elle l’a dépeinte avec une flèche lui transperçant l’épaule. Un détail pour certains, mais je tiens particulièrement à cette flèche, car elle est la preuve des risques encourus par la Pucelle et dément ses détracteurs qui la réduisent à un symbole absent des champs de bataille.
Lengadoc Info : Peut-on qualifier votre ouvrage de « féministe » et que pensez-vous des questions qui tournent autour de la place de la femme dans nos sociétés modernes?
Audrey Stéphanie : Il faudrait pour cela définir le terme de féminisme, un défi au vu des thèses aberrantes défendues par certaines de ses représentantes !
Pour ma part, s’il y a un combat féministe à mener, c’est la démystification. Les femmes n’ayant été évincées des livres d’histoire que très récemment, il faut simplement leur rendre leurs lettres de noblesse, ce que personne ne fait, et encore moins les féministes qui ne connaissent pas grand monde outre les Rosa Sparks et autres Frida Kahlo.
Un changement de perspective me parait aussi nécessaire, si l’on veut en finir avec cette course à la victimisation qui n’a pas lieu d’être : par exemple, on mentionne toujours l’absence de droits des Romaines, mais pourquoi passer sous silence, les possibilités, le prestige et le rôle de ces dernières ? Si la matrone romaine était considérée une simple reproductrice, aurait-elle eu une liberté totale en matière d’éducation comme ce fut le cas ? L’éducation étant destinée à la formation des futurs citoyens romains, l’élite de la société, c’était là une charge de premier plan. Et pour instruire les enfants, la mère devait, elle aussi, être instruite, on était donc loin de la réduire à sa faculté d’enfanter. Or, cela, personne ne le dit.
Pourquoi ne pas évoquer les siècles où, les femmes étaient à la tête des empires et des grands royaumes européens ? Que certaines de nos aïeules détenaient d’importantes fonctions religieuses, qu’elles ont conduit des armées, créé des cours littéraires, fait avancer les arts et les sciences ? Des femmes auxquelles les hommes vouaient un véritable culte telles Aspasie de Milet, Livia Drusilla ou Jeanne d’Arc… qu’ils n’ont pas hésité à servir telles Boudicca, Laskarina Bouboulina, Jeanne de Belleville etc. Pourquoi ne pas rappeler que « s’occuper de la maisonnée », qu’il s’agisse du domaine d’une noble ou de la ferme d’une roturière, revenait à administrer une grande entreprise ?
Savoir tout cela devrait nous amener à repenser la place de la femme dans la société, à renouer avec notre part féminine, actuellement méprisée.
Revaloriser le féminin, voilà qui est bien plus féministe que de vouloir « faire de la femme un homme comme les autres » !
Lengadoc Info : Nous sommes aujourd’hui le 8 mars, que vous évoque la journée internationale pour les droits des femmes ?
Audrey Stéphanie : Cette célébration, qui s’appelait, il n’y a pas si longtemps encore, « journée mondiale de la femme » n’a pour moi aucun sens. Nous sommes la moitié de l’humanité, nous sommes surreprésentées dans l’art occidental, célébrées dans la religion chrétienne qui compte d’innombrables saintes et nous avons fait l’Histoire avec les hommes. Être mises à la même enseigne que les maladies rares ou l’Holocauste, c’est même plutôt insultant !
Photos : Lengadoc Info/Les Audacieuses
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