19/10/2014 – 09h00 Montpellier (tribune libre) – C’était à Paris, le 16 octobre 1793. Marie-Antoinette est condamnée à mort aux alentours de quatre heures du matin. A cinq heures et demi elle reprend lentement le chemin de son cachot où elle n’aura plus à faire désormais qu’un séjour de courte durée.
Bien qu’elle soit épuisée et qu’il ne lui reste que peu de temps pour se préparer à la mort, la reine, à qui l’on a consenti de donner une feuille de papier, une plume, de l’encre et deux bougies, en rentrant dans sa prison, écrit ses derniers mots, destinés à Madame Élisabeth.
« C’est à vous, ma sœur, que j’écris pour la dernière fois. Je viens d’être condamnée non pas à une mort honteuse, elle ne l’est que pour les criminels, mais à aller rejoindre votre frère. Comme lui innocent, j’espère montrer la même fermeté que lui dans ses derniers moments… J’ai un profond regret d’abandonner mes enfants, vous savez que je n’existais que pour eux… Recevez pour eux deux, ici, ma bénédiction…
Que mon fils n’oublie jamais les derniers mots de son père que je lui répète expressément, qu’il ne cherche jamais à venger notre mort. J’ai à vous parler d’une chose bien pénible à mon cœur. Je sais combien cet enfant doit vous avoir fait de la peine. Songez à l’âge qu’il a et combien il est facile de faire dire à un enfant ce qu’on veut et même ce qu’il ne comprend pas (Marie-Antoinette a été accusée à tort d’inceste sur son fils par le tribunal révolutionnaire, ndlr). Un jour viendra, j’espère, où il ne sentira que mieux tout le prix de vos bontés et de votre tendresse pour tous les deux. Il me reste à vous confier encore mes dernières pensées.
Je meure (sic) dans la religion catholique, apostolique et romaine, dans celle de mes pères que j’ai toujours professée… Je demande pardon sincèrement à Dieu de toutes les fautes que j’ai pu commettre depuis que j’existe… Je pardonne à tous mes ennemis le mal qu’ils m’ont fait. Je dis ici adieu à mes tantes, et à tous mes frères et sœurs. J’avais des amis. L’idée d’en être séparée pour jamais, et leurs peines, sont un des plus grands regrets que j’emporte en mourant; qu’ils sachent du moins, que jusqu’à mon dernier moment, j’ai pensé à eux.
Adieu, ma bonne et tendre sœur; puisse cette lettre vous arriver. Pensé (sic) toujours à moi, je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que ces pauvres et chers enfants; mon Dieu qu’il est déchirant de les quitter pour toujours ! Adieu ! Adieu ! Je ne vais plus m’occuper que de mes devoirs spirituels. Comme je ne suis pas libre de mes actions on m’amènera peut-être un prêtre (assermenté), mais je proteste ici que je ne lui dirai pas un mot (les prêtres qui avaient prêté serment à la Constitution Civile du Clergé était considérés comme des traîtres par la majorité des catholiques de l’époque, ndlr), et que je le traiterai comme un être absolument étranger. »
Au matin, on la présente à l’échafaud.
C’est avec une hâte surprenante que Marie-Antoinette gravit l’échelle, à la bravade, raconte un témoin, et si vite qu’elle en perd un de ses petits souliers couleur prunelle. Mais, comme en arrivant sur la plate-forme elle a mis le pied par mégarde sur celui du bourreau :
– Monsieur, a-t-elle dit, je vous demande pardon, je ne l’ai pas fait exprès.
Les aides la saisissent. Pour éviter qu’ils ne touchent à sa coiffure, elle a encore la présence d’esprit de faire d’une secousse sauter son bonnet. Puis elle s’abandonne, les yeux fermés. On l’entraîne. On l’attache sur la planche de la bascule. Que de lenteur méthodique dans cette hâte ! Un bruit sourd se fait entendre…
Un aide de Sanson présente au peuple qui acclame la République la tête d’où le sang ruisselle et tombe à grosses gouttes sur les spectateurs les plus rapprochés. Quelques femmes essuient leurs larmes. D’autres, plus nombreuses, qui semblent ivres, dansent la Carmagnole autour de l’échafaud d’où la foule commence à se retirer. Le ciel se charge de lourds nuages que le vent, soudain calmé, ne parvient plus à dissiper
221 ans après, en mémoire de cette exécution, si marquante pour l’histoire de France, une messe de Requiem pour le repos de l’âme de Marie-Antoinette a été célébrée à Montpellier dans la chapelle des Pénitents Blancs, située rue Jacques Cœur. Voilà plusieurs années que la ville renoue maintenant avec cette tradition, tombée jusqu’à récemment en désuétude.
Dans l’église, parée de grandes draperies noires, rappelant la mort et le deuil : un grand catafalque sombre (représentant le cercueil de la défunte), entouré de candélabres et sur lequel était posé une couronne, occupait l’espace entre le transept et la nef centrale, devant l’entrée du chœur.
La Confrérie des Pénitents Blancs, en tenue solennelle (robe blanche à capuchon pour les messieurs et mantille blanche pour les dames), rehaussaient la cérémonie de leur présence, qu’ils ont accompagnée en chantant les pièces grégoriennes traditionnelles pour la messe des morts.
Dans une atmosphère grave et silencieuse, les personnes présentes, dont certaines arboraient le brassard noir et la fleur de lys, ont rendu hommage à la défunte reine en assistant à la messe célébrée par un prêtre de l’Institut du Christ-Roi. Dans le sermon, ce dernier a rappelé l’iniquité de l’exécution de Marie-Antoinette, motivée uniquement par la haine de ce que représentait cette femme, qu’il fallait tuer pour éteindre à jamais la France d’Ancien-Régime. Dans un deuxième temps, le prêtre a exhorté l’assistance à une vie plus chrétienne et fidèle à la Religion qu’on cherchât à abattre en s’en prenant aux souverains de France.
La cérémonie s’est achevée sur des prières dites pour les morts devant le catafalque noir aspergé d’eau bénite et enveloppé d’encens.
Florentin Michel
Photo: DR
Lengadoc-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine