18/10/2017 – 18h30 Syrie (Lengadoc Info) – Point de situation numéro 43 – La semaine qui vient de s’écouler a connu une série d’évolutions remarquables. Raqqah est enfin libérée de la présence de l’Etat Islamique. Mayadin la capitale de substitution est entre les mains du gouvernement qui vient de franchir l’Euphrate. Deir Ez-Zor est complètement encerclée. L’armée turque a pénétré en territoire syrien. Et en Irak les forces armées irakiennes s’opposent militairement aux kurdes avec la reprise de Kirkouk.
Raqqah enfin libérée
La ville de Raqqah était considérée comme la capitale de l’Etat Islamique en Syrie. Elle a été progressivement mise sous pression par les Forces Démocratiques Syriennes, coalition sous tutelle américaine composée majoritairement de kurdes. C’est une victoire très symbolique bien que ne revêtant pas le prestige de la chute de Mossoul, sa jumelle irakienne. En effet, anticipant la chute de la ville, les leaders de l’Etat Islamique avaient pris la décision d’établir leur nouvelle capitale de fait, à Mayadin située à 170 kilomètres au sud-est. Les combattants restants devaient servir à ralentir la progression des FDS. La chute de Raqqah s’est ainsi étirée en longueur. Les combattants jihadistes se servant de la population comme de boucliers humains.
Un accord a finalement été passé entre les combattants de l’Etat Islamique et la Coalition permettant l’évacuation de 275 d’entre eux et leur famille. Seuls les combattants étrangers en étaient exclus. C’est pourtant un accord du même type qui avait soulevé l’indignation de la Coalition Internationale lorsque des combattants de l’Etat Islamique avaient été transportés de la frontière libanaise jusqu’à la région de Deir Ez-Zor.
Il reste maintenant à nettoyer les pièges laissés par l’Etat Islamique et à se débarrasser des derniers combattants isolés qui se cachent dans les ruines de la ville. Ce sera également le temps pour établir le bilan des destructions et des pertes civiles dues aux bombardements alliés qui semblent très importantes.
Les avancées de l’Armée Arabe Syrienne
Du coté des forces loyalistes, la semaine passée a également apporté son lot de victoires.
Concernant Deir Ez-Zor, tout d’abord, l’effort a été mis sur l’encerclement par la rive orientale de l’Euphrate. Il fallait impérativement gagner de vitesse les FDS établies dans la zone industrielle au nord. L’objectif premier a été le pont Siyasiyeh qui , bien que détruit, constituait le point de ravitaillement pour la partie nord de Deir Ez-Zor aux mains de l’Etat Islamique. Le deuxième objectif a été la zone située au nord-ouest qui permet de compléter l’encerclement. Le bouclage enfin réalisé, les forces loyalistes ont commencé à pénétrer dans les premiers quartiers jihadistes. La chute de « Zor » devrait être annoncé d’ici peu de temps.
La nouvelle vient de tomber: le célèbre général Issam Zahreddine défenseur de la poche de Deir Ez-Zor, est mort au combat ce 18 octobre 2017.
Nous avions annoncé l’avancée des troupes loyalistes en direction de Mayadin au sud-est. La capitale de fait de l’Etat Islamique est tombée aux mains du gouvernement en à peine une semaine. La ville a tout d’abord été isolée par le nord et par le sud où tous les renforts ont été systématiquement anéantis par l’aviation russe. Les combats ont été féroces mais il semble que les jihadistes aient abandonné la ville. Les forces loyalistes se sont alors employées à nettoyer la rive occidentale de l’Euphrate de toute présence de combattants de l’Etat Islamique. L’autoroute M4 reliant Mayadin à Deir Ez-Zor est pleinement opérationnelle.
Ce 17 octobre 2017 a vu, en plus de la chute de Raqqah, le franchissement de l’Euphrate par les troupes pro-gouvernementales pour la deuxième fois. C’est une étape cruciale pour un développement majeur. En effet, les forces loyalistes vont avoir à cœur de s’emparer des champs pétrolifères Omar qui sont les plus importants du pays. Et pour cela il faudra gagner de vitesse les FDS kurdes qui souhaitent également s’en emparer. Ne serait-ce que comme monnaie d’échange future. Direction plein nord donc, avec une jonction avec les troupes stationnées à l’est de l’Euphrate dans la ville de Khusham. La prise du verrou constitué par la ville d’Al Busayrah est un objectif fondamental.
Cet objectif atteint, les forces loyalistes pourront enfin se reconsacrer à la tâche principale qui est l’élimination de l’Etat Islamique sur leur territoire. Le terrain aux mains des jihadistes se réduit comme peau de chagrin de part et d’autre de la frontière avec l’Irak. Les deux dernières places fortes sont situées de chaque coté de la frontière. Abu Kamal en Syrie et Al-Qa’im en Irak.
Affrontements au Kurdistan irakien
La lutte contre l’Etat Islamique a été, temporairement, mise de coté suite à la capture de la poche jihadiste d’Hawija. C’est le référendum sur l’indépendance du Kurdistan irakien qui a été la source du conflit en cours.
Le président du gouvernement régional du Kurdistan (KRG) Massoud Barzani a organisé un référendum le 25 septembre 2017 sans l’accord du gouvernement irakien. Avec 92,73% de Oui l’espoir était grand pour les kurdes qui rêvent de s’affranchir des tutelles nationales que ce soit en Irak, en Syrie, en Iran ou en Turquie.
L’erreur fondamentale a été que ce référendum incluait la région de Kirkouk qui ne fait pas partie du Kurdistan irakien au prétexte que cette dernière est composée d’une majorité de kurdes et qu’elle a été libérée par les forces armées kurdes les fameux Peshmergas. Seulement, la région de Kirkouk possède 40% des réserves de pétrole de l’Irak. Une ressource impossible à perdre pour le premier ministre irakien Haïder Al-Abadi. Ce dernier, après quelques tentatives de négociations de façade, a lancé ses forces armées particulièrement aguerries sur Kirkouk qui est tombée le 16 octobre 2017 en une seule journée. L’armée irakienne et ses alliés sont en train de s’emparer des territoires jusqu’alors aux mains de Peshmergas, notamment les frontières avec l’Iran et la Turquie. Il y a, ceci étant, peu de véritables combats, la désorganisation étant quasi totale coté kurde avec une instabilité au niveau des instances dirigeantes.
La communauté internationale n’intervient pas dans ce conflit interne mais appelle à « éviter l’escalade » en rappelant que l’ennemi reste l’Etat Islamique. Une situation confuse que nous analyserons avec attention…
Le reste du front
– La Turquie a pénetré le territoire syrien en établissant une zone tampon directement au sud du canton kurde d’Afrin. Le prétexte invoqué étant de lutter contre le groupe Hayyat Tahrir al-Sham inféodé à Al-Qaïda. La réalité semble plutôt que l’objectif turc est de relier la zone d’Al-Bab sous son contrôle à la région d’Idlib. Pour s’emparer finalement de tout le territoire d’Afrin géré par les kurdes. Le gouvernement syrien a vivement protesté contre cette intrusion qui est une tentative d’annexion déguisée.
– Les combattants de l’Etat Islamique qui résistaient au gouvernement dans la poche d’Uqayribat ont franchi l’autoroute Salamiyah-Alep pour s’emparer d’une douzaine de villages dans la zone d’Idlib. Des affrontements sont en cours avec Hayyat Tahrir al-Sham qui reprend progressivement ce territoire.
– En Irak, malgré les troubles au Kurdistan, les troupes des Unités de Mobilisation Populaires (paramilitaires chiites) ont annoncé qu’elles étaient prêtes pour l’opération de libération d’Al-Qa’im ultime bastion de l’Etat Islamique.
– En Somalie à Mogadiscio, le 14 octobre 2017, un attentat impliquant deux camions piégés a eu lieu au carrefour PK5. Le premier bilan de 231 morts et 275 blessés est réévalué à plus de 500 morts. C’est l’attentat le plus meurtrier de l’histoire de la Somalie. Ce dernier est attribué au groupe salafiste Shebab et aurait pour objectif de déstabiliser le nouveau président Mohamed Abdullahi Mohamed. [Le 22 octobre les shebabs ont démenti être impliqués dans cette attaque]
Martial Roudier
Photos : DR
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