22/04/2017 – 19h00 Montpellier (Lengadoc Info) – Tribune libre – Vous êtes d’autant mieux disposés à laisser l’Etat recueillir une part importante de vos revenus sous forme de cotisations et d’impôts, que vous avez la certitude que cet argent sera distribué à des gens qui sont comme vous. Si leurs valeurs et leurs styles de vie diffèrent trop des vôtres, alors vous deviendrez réticent. Il faut choisir entre deux modèles de société. Celui de la Suède, cette nation très homogène où l’Etat-providence vous accompagne du berceau à la tombe, ou celui des Etats-Unis d’Amérique, où l’individualisme et la diversité font qu’on se sent peu d’obligations réciproques.
Le multiculturalisme introduit de la diversité entre les groupes ethniques
En réalité, le multiculturalisme n’est qu’une idéologie qui a dominé les années 1980 et qui aujourd’hui est passée de mode. La puissance des nations est fondée sur leur capital social. Celle-ci se matérialise par la confiance mutuelle qui existe entre leurs membres ; le fait qu’ils partagent les mêmes intérêts et les mêmes valeurs. C’est cette confiance en un avenir commun qui a rendu par exemple possible la construction, sur plusieurs générations, des cathédrales.
Alberto Alesina, Professeur d’économie politique et Edward L. Glaeser ancien chercheur à la Brooking Institution exercent tous deux à Harvard. Dans un essai percutant paru en 2006, ils font apparaître qu’une Europe où l’hétérogénéité progresse est aussi une Europe où l’Etat providence est plus vivement critiqué et attaqué. Les succès politiques des mouvements populistes et nationalistes l’illustrent. C’est un immense enjeu pour une Union Européenne qui s’est inconsidérément élargie et devient donc de plus en plus étendue et composite.
Aux États-Unis, la majorité des pauvres appartiennent à des communautés ethniques minoritaires. Les plus aisés, majoritairement blancs, sont peu enclins à partager. Le multiculturalisme crée, de fait, un sentiment d’étrangeté qui ne favorise pas la solidarité. L’inclination à s’obliger mutuellement alors s’érode. L’Etat-providence, très généreux, se trouve ainsi menacé.
Le cadre national est le seul dans lequel peut s’exercer cette indispensable solidarité
Si on veut améliorer l’intégration, on ne peut se contenter de prêcher l’importance de la tolérance. On doit également promouvoir l’interaction et le sentiment d’inclusion dans la communauté nationale. Il est possible de faire en sorte que les gens se soucient moins des questions de race et d’identité, lorsqu’on les plonge dans une mer de ressemblances, de buts partagés et de dépendance mutuelle. Une cause commune d’intérêt local, en particulier, est un puissant facteur de rassemblement.
C’est sur cette confiance réciproque que sont fondés les Etats-providence redistributifs. Seul, l’État est l’instrument qui fournit le cadre dans lequel peut s’exercer cette indispensable solidarité. Cette demande de protection est d’autant plus forte, que le sentiment d’une menace liée à l’afflux massif d’immigrés et de réfugiés en provenance de pays pauvres et de culture très différente creuse la fracture identitaire.
La réaffirmation des identités nationales et régionales
La révolte des peuples contre les élites se fonde sur le rejet des partis de gouvernement et l’exigence d’un contrôle démocratique sur les élus. Si les clivages pensés en termes d’identité culturelle ont toujours favorisé la droite, les oppositions formulées en termes de classes sociales favorisent la gauche. La mondialisation a provoqué deux effets majeurs : de fortes inégalités et l’éclatement des sociétés en inclus et précaires d’une part, et la montée des sentiments d’appartenance identitaire, de l’autre.
Le drame de la gauche, est que la seconde prédomine à présent dans l’esprit des électeurs et qu’elle est dans l’incapacité d’y répondre de manière appropriée.
François de MAISTRE
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