17/04/2017 – 20h30 Syrie (Lengadoc Info) – Point de situation numéro 28 – La dernière semaine a été riche en événements dramatiques confirmant une nouvelle fois au conflit qui déchire la Syrie depuis six ans et ayant occasionné 320 000 morts, son statut de conflit mondialisé. Les différents pays se livrant une guerre sans merci à l’échelle d’un pays entier. Alors que la Russie apparaissait comme maîtresse du jeu depuis le début de son intervention aux cotés de Bachar El-Assad et de l’Iran début 2016, c’est au tour de Donald Trump de venir repositionner son pays dans le Grand Jeu des puissances. De manière fracassante…
L’empire américain sort les grands moyens en Syrie
Contrairement à ses promesses de non-intervention militaire, Donald Trump, fraîchement élu président des États-Unis à la suite de Barack Obama, vient de rattraper son retard en matière de relations internationales. Il va sans dire que cette nouvelle attitude interventionniste a de quoi surprendre tant il est difficile de faire ressortir une ligne directrice cohérente. Il convient en tout cas de se détacher des conclusions hâtives et du facteur émotion éhontément utilisé par les plus hautes instances.
Tout a commencé le 4 avril 2017 par la mort d’une centaine de civils intoxiqués par des gaz mortels dans la ville de Khan Cheikhoun proche du front du Nord d’Hama. 400 personnes seront également hospitalisées. La coalition internationale s’indigne et s’empresse de blâmer le gouvernement syrien pour cette atrocité. Parmi les plus virulents, on trouve la Turquie, l’Arabie Saoudite, le Qatar, pays peu soucieux du respect de la personne humaine, et également Israël. Mais ce sont les États-Unis qui vont prendre le parti de répliquer militairement sans attendre les conclusions d’une quelconque enquête ni l’avis du Conseil de Sécurité de l’ONU. Donald Trump déclenchera le lancement de 59 missiles Tomahawk depuis deux navires situés en Méditerranée. La bagatelle de 90 millions de dollars pour un résultat mitigé. La base aérienne de Shayrat suspectée d’être à l’origine de l’attaque chimique sera à nouveau opérationnelle quelques jours après. Aucune émanation d’un quelconque gaz ne sera d’ailleurs constatée suite au bombardement.
Sans rentrer dans une polémique aux relents complotistes, il convient de relever qu’une attaque chimique sur des civils dans une zone éloignée du front n’a aucun intérêt tactique pour le gouvernement de Bachar El-Assad alors qu’elle pourrait en avoir sur beaucoup d’autres secteurs. Les conséquences de cette « attaque chimique » rappelle férocement les fameuses « couveuses koweïtiennes » ou les fameuses « armes de destruction massives » irakiennes présentées par Colin Powell à l’ONU en 2003.
Donald Trump a-t-il utilisé un prétexte pour sortir l’artillerie lourde, se sortant d’une situation difficile sur le sol américain ? Le résultat est là en tout cas. L’utilisation le 13 avril de la bombe GBU-43, affectueusement surnommée MOAB pour « mère de toutes les bombes », sur une position de l’État Islamique en Afghanistan est un signal supplémentaire très fort destiné aux pays du monde entier. Après MOAB, on passe au nucléaire… Grosse menace donc mais à destination de qui? Le déplacement de navires américains à proximité de la Corée du Nord semble être un bon indicateur. Doomsday Clock, « l’horloge nucléaire » indique désormais 2 minutes 30 avant la fin…
Evolution au sol en Syrie
– Tous les gains des rebelles islamistes de la coalition Hay’at Tahrir Al-Sham ont été annulés par l’Armée Arabe Syrienne avec la reprise ce dimanche 16 avril 2017 de la localité de Souran qui avait été le point de départ de l’offensive rebelle le 21 Mars 2017. Trois semaines d’âpres combats qui ont eu comme effet de ralentir considérablement l’avancée des forces loyalistes à l’Est d’Alep contre les combattants de l’Etat Islamique.
La suite logique des opérations dans la région sera la réduction de ce saillant islamiste menaçant la capitale régionale d’Hama sur une profondeur de 20 kilomètres et autant de coté.
– Les forces loyalistes ont mené des offensives dans le secteur Nord-Ouest d’Alep de façon à amorcer un encerclement des plaines d’Anadan. La concentration de leurs effectifs sur le secteur d’Hama empêche cette offensive de se développer.
– Dans le secteur de Palmyre, plusieurs avancées loyalistes ont été effectuées aussi bien au Nord qu’au Sud de la cité antique. La volonté d’élargir la zone tampon autour de la ville semble supplanter la tentation d’une percée déraisonnable en faveur de l’enclave de Deir Ez-Zor.
– Des avancées significatives ont eu lieu dans la ville de Deraa au sud du pays de la part des factions rebelles qui se rendent progressivement maîtresses du quartier Al-Manishiyah. Le manque d’effectifs des forces loyalistes semble être la raison de ces pertes dans une zone qui n’est pas considérée comme prioritaire par Damas.
– Dans l’Ouest de la région de Raqqah, la tête de pont des Forces Démocratiques Syriennes à dominante kurde établie avec le soutien actif des Etats Unis s’est considérablement agrandie. La base aérienne de Tabqa a été entièrement libérée et devra servir de base opérationnelle pour les prochaines offensives. A ce jour, l’encerclement de la ville de Tabqa est pleinement réalisé mais nous savons que l’Etat Islamique a pour principe de se battre jusqu’à la dernière extrémité. La pacification de ce secteur prendra donc encore du temps alors que la phase 4 de l’opération « Colère de l’Euphrate » vient de commencer. Cette phase se concentrera sur la partie Nord de la capitale de l’Etat Islamique en Syrie.
– L’enclave rebelle d’Al-Waer située au Nord-Ouest d’Homs a été entièrement évacuée de ses éléments rebelles.
– L’accord « Foua-Madaya » a enfin été suivi d’effet. Par l’intermédiaire d’un observateur qatari garantissant la bonne exécution entre toutes les parties, un accord d’échange équitable a été conclu le 28 mars 2017 afin de régler la question de ces enclaves. 2200 personnes issus des deux villes sunnites « rebelles » en territoire pro-gouvernemental de Madaya et Zabadani au Nord-Ouest de Damas, contre 5000 personnes des deux villes chiites loyalistes de Foua et Kafraya situées en territoire rebelle au Nord d’Idlib. Malheureusement, le 15 avril 2017, un convoi de bus transportant des civils a été attaqué à l’aide d’un véhicule piégé (VBIED) à proximité de la ville d’Alep, occasionnant 126 morts (dont 68 enfants et des soldats rebelles) et des dizaines de blessés. Le bilan humain de cette attaque monstrueuse restant malheureusement provisoire. Aucun groupe n’a encore revendiqué l’attentat même si par le passé (18 décembre 2016) 7 bus d’évacuation en route pour cette enclave avaient été incendié par des rebelles. Dix obus de mortier ont également été tirés sur des bus au départ de l’enclave occasionnant 2 blessés.
Le reste du front
- En Irak la pression continue à s’exercer sur Mossoul où les combattants offrent une résistance acharnée face aux unités de contre terrorisme irakiennes.
- En Russie à Saint Petersbourg, une bombe a explosé le 3 avril 2017 dans une rame de métro, occasionnant 14 morts et 49 blessés.
- La Suède a été ensanglantée par un attentat au « camion fou » le 7 avril 2017 en pleine capitale Stockholm occasionnant 4 morts et 15 blessés.
- Deux attentats ciblant des chrétiens coptes, revendiqués par l’Etat Islamique, ont eu lieu ce 9 avril 2017 en Egypte lors des célébrations de Pâques, occasionnant 44 morts et 126 blessés.
Martial Roudier
Photos : DR
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