06/03/2016 – 11h00 Syrie (Lengadoc Info) – Point de situation numéro 4 – Depuis le 27 février 2016, et comme nous le laissions présager, un cessez le feu (ceasefire) est entré en vigueur sur le territoire national de la Syrie. Cet arrêt des bombardements est rendu possible de par la volonté des deux superpuissances américaine et russe et devrait déboucher dans quelques jours sur la tenue de nouvelles négociations de paix.
Syrie: état du « Cessez-le-Feu »
Ce « cessez-le-feu » ne signifie en aucun cas l’arrêt total des combats car il concerne uniquement les groupes rebelles jugés comme « modérés » par les arbitres internationaux et ne s’applique nullement aux musulmans les plus radicaux que sont l’Etat Islamique (Daech) ainsi que le Front Al-Nosra (Al Qaida) -ces deux factions occupant plus de la moitié du territoire de la Syrie et constituant le danger le plus réel car pratiquement incontrôlables-.
Bien évidemment cette trêve est déjà entachée de dysfonctionnements et des bombardements ont toujours lieu mais à une moindre échelle qu’auparavant. La population peut ainsi reprendre ses habitudes et l’on voit des protestations anti-gouvernement s’organiser dans les zones rebelles.
Le président de la Syrie Bachar El-Assad a par ailleurs annoncé son intention de tenir des élections législatives courant avril. Ajoutant un nouveau sujet de discorde au sein de la communauté internationale.
Une des conséquences directes de cette baisse de l’intensité des combats est la diminution du flux de réfugiés aux frontières de la Turquie. Le gouvernement de Bachar El-Assad œuvre également au rétablissement des infrastructures dans les territoires nouvellement libérés par ses troupes. Ainsi la ville d’Alep vient de voir ses adductions en eau potable et en électricité partiellement rétablies.
Syrie: des combats malgré la trêve
- Alors que la majorité du front semble plutôt calme, ce sont les kurdes qui poussent leur avantage contre les forces de l’Etat Islamique. L’effort mené depuis des semaines en direction du sud a amené la prise de la ville d’ Ash Shadadi et la stabilisation d’une partie de la frontière avec l’Irak. Ces gains de territoire consolident encore plus la position des kurdes et accréditent la thèse d’un futur état kurde dans cette région du nord de la Syrie.
- Le poste frontière d’ Al-Tanaf entre l’Irak et la Syrie situé dans le sud du pays a été repris aux forces de l’Etat Islamique par un commando de combattants rebelles entraînés et opérant depuis la Jordanie. Malheureusement cette victoire s’avère être de courte durée puisqu’il apparaît que les combattants islamistes aient repris leurs positions.
- Au nord immédiat d’Alep, la situation semble s’être stabilisée et les forces loyalistes ne semblent pas vouloir disputer le territoire nouvellement conquis par les kurdes sur les forces rebelles autour de la ville d’Azaz. L’existence d’une zone « tampon » avec la Turquie permet ainsi de relâcher la pression sur ses propres troupes. Bachar El-Assad ou ses conseillers russes savent pertinemment que le président turc M Erdogan n’acceptera jamais la présence d’un territoire autonome kurde au contact direct de sa frontière. La Turquie passe ainsi pour le vilain petit canard de l’OTAN dans ce conflit puisqu’elle s’occupe de régler un problème de territoire régional sous couvert de lutte contre Daech mais en bombardant principalement les forces kurdes soutenues par les USA…
- L’Etat Islamique n’est pas en reste puisqu’il a su perturber l’organisation des forces loyalistes en se concentrant sur le corridor d’approvisionnement entre la ville d’Hama et Alep. Cet axe routier en plein désert est le cordon ombilical qui a permis la conquête des territoires autour de la ville d’Alep. Il est absolument vital pour les troupes loyalistes et les combattants de Daech en font un objectif prioritaire. On assiste donc depuis le début des combats à des attaques jihadistes répétées en plusieurs points. Ces attaques ont souvent été couronnées de succès et ont réussi à perturber la logistique de guerre des forces loyalistes. Tout récemment c’est la ville de Khanaser qui a été presque totalement encerclée et actuellement c’est au tour de la ville de Sheikh Hilal de subir un assaut de Daech. Ces tentatives sont en principe repoussées au bout de quelques jours mais entretiennent une pression sur les arrières du front provoquant la mobilisation de beaucoup de troupes. La stratégie classique du harcèlement derrière les lignes ennemies.
- Malheureusement pour Daech l’arrêt des combats voulu par Moscou et Washington ne concernent pas les « terroristes » islamistes. Une importante partie des troupes et des moyens militaires va ainsi pouvoir être affectée contre l’Etat Islamique. Il n’est pas improbable que le drapeau du Hezbollah flotte bientôt sur Raqqah, la capitale jihadiste.
On l’a vu, même si elle est imparfaite, cette trêve est réelle mais les négociations prochaines se heurtent malgré tout à une difficulté de taille. En effet, comme le clame haut et fort le coordinateur de l’opposition syrienne Riad Hijab, tout processus transitoire en Syrie passe inévitablement par la destitution de Bachar El-Assad. Un postulat de départ qui risque de gripper quelque peu les discussions…
Martial Roudier
Photos : DR
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