04/08/2020 – 20h10 Montpellier (Lengadoc Info) – Baignant au sein du Parti Socialiste de Jaurès depuis son adolescence, le nouveau maire de Montpellier, Michaël Delafosse, semble vouloir assumer l’histoire du socialisme français. Mais un récent discours démontre qu’il a pourtant quelques lacunes dans le domaine historique. Dommage pour un professeur d’Histoire-Géographie…
Les socialistes trahissent Jaurès cinq jours après sa mort
Le 31 juillet, date anniversaire de la mort de Jean Jaurès, la gauche montpelliéraine s’est rassemblée, comme chaque année, devant la statue du père du socialisme français. Si Michaël Delafosse est un habitué de ce rassemblement, cette année c’est en tant que maire de Montpellier que celui-ci a fait son discours. Un discours qui se voulait très « historique »… et on dit bien « se voulait ». Car dans la réalité, il s’agissait bien plus de propagande politicienne, avec d’un côté les « méchants » nationalistes bellicistes, et de l’autre les « gentils » internationalistes pacifistes.
Ainsi, loin de la réalité historique, le maire a présenté la mort de Jaurès comme une victoire des « nationalistes […] contre ceux qui appellent à la paix, les internationalistes ». Si on peut effectivement affirmer que Jean Jaurès était contre la guerre, Michaël Delafosse passe étrangement sous silence le fait que le 4 août, soit cinq jours après la mort de Jaurès, le parti dont il est le fondateur, la SFIO (ancien nom de l’actuel Parti Socialiste), vote les crédits de guerre et rejoint l’Union Sacrée, avant d’entrer au gouvernement. A noter que le même jour, de l’autre côté du Rhin, les socialistes allemands du SPD (1er parti du Reichstag) optent pour la même attitude belliciste et votent également les crédits de guerre.
Difficile donc de voir dans les internationalistes de 1914 des pacifistes. Ni dans ceux de 1918, d’ailleurs, car si pour Michaël Delafosse, « la vraie date du commencement de la Première Guerre mondiale, n’est pas le 3 août ; c’est le 31 juillet », les combats ne cessent pas vraiment le 11 novembre 1918 non plus. A l’Est de l’Europe, les « nationalistes » finlandais, russes blancs, polonais, baltes, roumains, hongrois, appuyés par les armées françaises et britanniques et des corps francs allemands, vont devoir encore mener de féroces combats pour repousser les armées de l’internationalisme communiste qui tentent d’asservir ces pays.
Michaël Delafosse s’attaque à l’Action Française
Mais la réécriture de l’Histoire par Michaël Delafosse ne s’arrête pas là. Il s’attaque à l’Action Française qui, selon lui, désignait Jean Jaurès comme étant un « mauvais Français » car il « voulait la coopération avec l’Allemagne, quand les autres espéraient la guerre avec l’Allemagne. Les mêmes qui collaboreront avec l’Allemagne nazie. »
S’il est vrai que l’Action Française a été, en 1914, hostile à l’Allemagne, cela est également vrai en 1940. Le mouvement royaliste n’a jamais soutenu la politique de collaboration avec l’Allemagne nazie, et ceux de ses membres qui ont collaboré en ont été exclus par Charles Maurras. En revanche, de nombreux royalistes ont rejoint la Résistance dès 1940, comme Honoré d’Estienne d’Orves, qui sera fusillé en 1941 par les Allemands au Mont Valérien, ou Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin.
De manière générale, les premiers réseaux de résistance en 1940 ont été initiés, globalement, par des officiers de l’Armée Française. Des officiers qui avaient plus l’habitude de lire l’Action Française de Maurras que le journal L’Humanité fondé par Jaurès. La mort de ce dernier est, par ailleurs, décrite par De Gaulle en 1927 comme un « infime événement [qui ne] pouvait suffire à troubler la nation française au moment où elle tirait l’épée ».
Quand les socialistes collaboraient avec Vichy et l’Allemagne nazie
Et qu’en est-il des socialistes ? Eh bien, avant de s’attaquer à l’Action Française, Michaël Delafosse ne devrait-il pas balayer devant sa porte ?
Si la participation de François Mitterrand au régime de Vichy est un fait assez connu aujourd’hui, c’est loin d’être le seul cas de collaboration qui touche les socialistes français.
Le 10 juillet 1940, 85 parlementaires de la SFIO votent les pleins pouvoirs à Pétain, et seulement 36 s’y opposent. Léon Blum écrira plus tard : « j’avais bien eu raison de me juger désormais comme un étranger, comme un suspect au sein de mon propre parti ». Sur les 569 votants en faveur des pleins pouvoirs, plus de la moitié ont une étiquette de gauche ou de centre-gauche.
Durant l’entre-deux-guerres, la SFIO sera traversée par un fort courant pacifiste et favorable à l’amitié franco-allemande. Ce courant, incarné par Paul Faure, secrétaire général du parti de 1920 à 1940, fera le choix de la collaboration. Ainsi, on retrouvera de nombreux membres de la SFIO au sein du Rassemblement National Populaire, l’un des deux plus grands partis collaborationnistes, fondé par Marcel Déat, ancien dauphin de Léon Blum. François Chasseigne, élu député en 1936 avec le Front Populaire, membre de la SFIO en 1940, finira au gouvernement de Vichy, membre de la Milice et de l’association des Amis de la Waffen-SS.
À la Libération, ce sont 95 parlementaires qui seront exclus de la SFIO pour collaboration.
Photos : DR / Ville de Montpellier
Lengadoc-info.com, 2020, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.
Le Maire de Montpellier devrait retourner sur les bancs d’école pour étudier les travaux de Simon Epstein plutôt que de donner des leçons d’histoire …